« Les nouvelles procédures familiales » par AM de CAYEUX et Fadéla HOUARI, Revue Droit de la Famille LEXIS, janvier 2019
Publié le :
31/01/2024
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2024
L’audition de l’enfant dans les procédures judiciaires et conventionnelles
Nos sociétés évoluent et, avec elles, la règle de droit. La vie familiale se privatise, le règlement des crises familiales entre dans le champ du conventionnel, et l’État, sur les recommandations du Conseil de l’Europe, promeut le règlement extra-judiciaire, pacifié, des conflits. Dans ce contexte, le rôle de l’avocat devient essentiel : il ne travaille plus sous « l’ombre portée du juge » et doit veiller en tant qu’avocat-conseil à la validité, la sécurité, l’efficacité, l’exécution de son acte ; à la recherche d’une solution équilibrée tout en veillant aux intérêts de son client ; à la recherche et la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.Sur la question de la recherche de l’intérêt de l’enfant, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a donné, dans son observation n° 14 (2013) 1, une place primordiale à l’écoute de l’opinion de l’enfant : elle lui garantit son droit d’être associé aux décisions qui le concernent et permet à ses responsables d’analyser les éléments nécessaires à la détermination de son meilleur intérêt en vue de prendre les meilleures décisions pour lui.
1 - Le droit prévoit que l’enfant est entendu par un juge ou un professionnel que le juge désigne et qui en rendra compte au magistrat, l’enfant ayant le droit d’être assisté d’un avocat.
En droit interne, l’article 371-1 du Code civil prévoit que le juge doit tenir compte « des sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 ». L’article 388-1 du Code civil dispose, pour sa part : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut [...] être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus
[...] ».
2 - L’avocat veille à l’effectivité de ce droit, en veillant à ce que l’enfant soit entendu s’il le souhaite.
Étant parfois en conflit d’intérêts avec les autres personnes concernées, ou avec des intérêts plus généraux comme ceux de l’État (par ex., le droit de l’enfant à la sécurité et au regroupement familial s’opposant à la limitation des flux migratoires), notre droit interne a organisé l’audition de l’enfant en justice, qui en soi représente pour l’enfant une épreuve, sans prévoir à ce jour la question du recueil de sa parole dans un cadre non judiciaire, donc sans tenir compte de la contractualisation en marche.
3 - La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ayant institué le divorce par acte d’avocat n’a trouvé d’autre solution que de « réinjecter du juge » dans la déjudiciairisation (sic), ce qui constitue un recul plus qu’une avancée, s’agissant de la protection de l’enfant, puisque c’est l’enfant qui a le pouvoir, ou la « responsabilité » 2, de provoquer la saisine du juge aux affaires familiales en exerçant son droit à être entendu. Dans les faits, cette procédure n’est jamais déclenchée dans l’intérêt de l’enfant, mais plutôt pour compenser les imperfections du régime légal du divorce par consentement mutuel.
4 - La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 (art. 5) fixait déjà une procédure lacunaire : « les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixent la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ». Le juge « homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement » sans se préoccuper concrètement de savoir si l’enfant a été associé au processus ayant conduit à la rédaction de la convention portant pourtant sur ses intérêts. Il se limite à mentionner que « le mineur capable de discernement a été avisé de son droit à être entendu et assisté d’un avocat et, le cas échéant, qu’il n’a pas souhaité faire usage de cette faculté », sur déclaration des parents lorsqu’il ne s’agit pas d’un divorce par consentement mutuel(C. civ., art. 338-1).
5 - La déjudiciarisation ou déjuridictionnalisation et son pendant, la contractualisation du droit, excluent de fait l’exercice du droit des enfants à être entendus, droit devant être exercé librement. La liberté de s’exprimer ne devrait pas systématiquement conduire à une audition en justice, au demeurant pas toujours possible : lorsque des parents pacsés se séparent à
1. Observation générale n° 14 (2013) sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt
supérieur soit une considération primordiale.
2. Droits de l’enfant, chron. par CRDP, université de Lille II, in LPA 2017,
n° 151, p. 3.
Historique
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